Crédits de la bannière : Colin Searle.
La japanimation est un domaine possédant une histoire très riche. Elle a été sujette à de nombreuses révolutions au cours du temps. Voici une présentation des figures importantes à l’origine des animes que nous avons à l’écran aujourd’hui.
Le grand Osamu Tezuka
Surnommé « le dieu des Mangas », Osamu Tezuka est littéralement adulé au pays du soleil levant. Retour sur ce personnage d’exception.
La biographie de Tezuka
Osamu Tezuka est né le 3 novembre 1928 à Toyonaka, dans l’Osaka. Il découvre les œuvres cinématographiques occidentales dès son plus jeune âge grâce au vidéoprojecteur de son père. Il s’agit notamment des Disney et des réalisations de Charlie Chaplin.
Tezuka est particulièrement marqué par Bambi. Son style graphique s’inspire beaucoup de celui de Disney, avec de grands yeux et des formes rondes. Osamu se met très tôt au dessin, et publie des mangas dès l’âge de 17 ans. Il suit un cursus de médecine et est diplômé de l’université d’Osaka.
Le public bénéficiera de nombreuses références à ce domaine d’études à l’intérieur de certaines de ses œuvres. Il s’intéresse à tous les genres narratifs. Tezuka porte plusieurs casquettes, étant simultanément auteur, réalisateur, producteur, scénariste, animateur clé, character designer et background artist.
Il finit par rencontrer son idole de toujours, Walt Disney. Le génie tire sa révérence le 9 février 1989. Il succombe d’un cancer de l’estomac. Après son décès, plus de 120 millions d'exemplaires de ses mangas sont écoulés.
L’apport de Tezuka à la japanimation
Vous vous plaignez de n’avoir qu’un épisode d’anime par semaine ? Sachez que ce délai serait bien plus long sans l’apport d’Osamu Tezuka. Il est le précurseur de l’animation limitée, procédé à la base de la diffusion rapide.
Astro Boy, par Andrius Matijosius.
Afin de maintenir le rythme de l'animation sans en baisser la qualité, Tezuka décide de réduire le nombre d'images à animer. Pour ce faire, certains procédés de narration et de découpage sont systématisés. Le dieu des mangas crée ainsi une marque de fabrique propre aux productions japonaises.
Le génie invente des techniques innovantes et de multiples astuces afin de rendre un produit fini satisfaisant. Les animes requièrent désormais entre 4000 et 6000 dessins. À titre comparatif, une production française de même durée nécessite entre 15 000 et 17 000 images.
Le but de cette méthode est de réaliser des œuvres à moindre coût, mais le papa d'Astro Boy cherche également à générer des émotions particulières. Elles appartiennent à une palette accessible uniquement via une bonne animation.
La première technique d’animation limitée consiste à réduire le nombre d’images par seconde. Les animateurs passent de 25 à 12, certains animes n’utilisent que six images par seconde. Cette animation est employée très souvent, sauf pour les scènes nécessitant une animation très fluide.
Il est ainsi inutile d’animer l’intégralité du visage d’un personnage qui parle : seuls son nez et sa bouche sont mobiles ! Cette limitation de dessins occasionne un immense gain de temps, mais n’est possible que si les traits du visage sont parfaitement stylisés. Le character designer doit donc représenter des personnages aux visages simples.
Vous vous dites probablement que cette contrainte engendre l'apparition de personnages lisses et sans attraits. Toutefois, le character designer peut leur donner du charisme en agrandissant la taille de leurs pupilles. Ne dit-on pas que les yeux sont le miroir de l’âme ?
Une autre astuce consiste à privilégier les cycles. Il s’agit de la répétition d’éléments bougeant selon un mouvement périodique. Voici quelques exemples de cycles :
- le mouvement des flammes,
- la chute de pétales
- et le défilement des arbres.
Les joueurs courent en suivant le même rythme pendant plusieurs secondes. Par ailleurs, le terrain a une forme de montagne afin de réduire le nombre de personnages à animer simultanément. Dans un autre contexte, faire un zoom sur une main tenant une cigarette permet d’économiser beaucoup de dessins.
L’animation limitée possède quelques inconvénients. En effet, elle fige sur plusieurs décennies les coûts de production standards d’anime. Cette situation nuit parfois aux créateurs, car ils disposent d’un budget limité.
Tezuka a fondé les studios Mushi Production (1961) et Tezuka Production (1968). Astro Boy, la première série nippone ayant une publication hebdomadaire, voit le jour. Le propos des œuvres de Tezuka s’articule généralement autour de quatre points. Il s’agit :
- du respect de la vie et de l’intégralité des espèces vivantes,
- du respect de la nature,
- du scepticisme vis-à-vis de la civilisation et de la science
- et d’un profond engagement contre la guerre et pour la paix.
Osamu Tezuka a légué son nom à deux distinctions nippones. En effet, le prix Tezuka est décerné deux fois par an (depuis 1971) à des auteurs ayant réalisé des œuvres aux scénarios impressionnants.
Enfin, le Prix culturel Osamu Tezuka est remis une fois par an au Japon depuis 1997. Il est délivré par le journal Asahi Shimbun et récompense un mangaka exceptionnel.
Les œuvres d’un génie
Osamu Tezuka est le fondateur du manga moderne. Il révolutionne cet art après la Seconde Guerre mondiale en définissant les codes de sa grammaire graphique. Il fait ses débuts en 1946 dans Le Journal de Mâtchan. La Nouvelle île au trésor est son premier succès.
L’auteur s’initie à tous les genres narratifs. Il écrit des contes pour enfants nommés Beeko-Chan et Unico ainsi que des drames (Ayako, L’histoire des trois Adolf). Son œuvre Princess Knight sortie en 1953 est le tout premier shôjo. Tezuka s’essaie également au drame médical avec Black Jack sorti en 1973.
1963 marque le début de la diffusion en direct et par satellite des émissions télévisées entre le Japon et les USA. Les chaînes locales voient le jour, et Astro Boy traverse la mer. En effet, il s’agit du premier anime japonais à posséder un découpage en épisodes.
L’histoire des 3 Adolf.©Shôgakukan.
Tout réussit à Tezuka. Shumari est une œuvre tragique, tandis que Angel Gunfighter est un western. Sa plume ne connaît aucune limite, car il publie des polars noirs (MW) et de la science-fiction avec Metropolis et Wonder 3. L’auteur effectue des adaptations personnelles d’œuvres célèbres telles que Faust, King Kong et Manon Lescaut.
Le dieu du manga explore aussi le fantastique avec The Three-Eyed One et Vampire, ainsi que les robots géants avec Ambassadeur Magma. Pinocchio, Blanche-Neige ainsi que Crime et Châtiment (l’œuvre de Dostoïevski) font l’objet d’une réadaptation.
Les genres de la biographie (avec Hidamari no Ki, Ludwig B et Bouddha), du récit de samouraï (avec Dororo et I’m Sarutobi) et des superhéros avec Big X sont également parcourus par Tezuka.
De plus, il écrit une autobiographie baptisée Makoto to Chiiko. Son chef-d’œuvre est un manga englobant l’intégralité des genres narratifs : Phénix.
Deux de ses œuvres l’ont rendu mondialement célèbre : Astro Boy et Le Roi Léo. Cette dernière a fortement inspiré le célèbre Disney. Astro Boy bénéficie d’une adaptation animée en 1963, popularisant l’animation limitée.
Astro Boy, vu par Cristiano Rinaldi.
Le dieu du manga est le mangaka le plus productif de tous les temps. Il laisse derrière lui 170 000 planches, ainsi qu’environ 700 œuvres. Il est aussi le réalisateur de plus de 70 téléfilms animés, séries animées, courts et longs métrages d’animation.
Tezuka a aussi réalisé de nombreuses œuvres pour le cinéma. Les plus célèbres sont les courts-métrages Broken Down Film sorti en 1985 et Jumping, qui date de 1984. Il a également adapté les Tableaux d’une Exposition de Moussorgski, en 1966. Quant à son long-métrage Legend of the Forest, il sort en 1987.
Tezuka est un véritable génie. Il est assez triste de savoir que toute cette bibliographie aurait pu ne pas exister. En effet, Tezuka souffre d’une infection au cours de son adolescence.
Cette maladie le prive de l’usage de ses bras. Il est cependant miraculeusement sauvé par un médecin, raison pour laquelle il choisit d’embrasser cette carrière. Nul doute que cette infirmité aurait changé la face du monde.
Phénix de Tezuka. © Tezuka Productions.
Le retour du roi
Osamu Tezuka est considéré comme une légende vivante au Japon, même aujourd’hui. À sa mort, il bénéficie de funérailles nationales, à l’instar de Victor Hugo en France. Les Nippons ont beaucoup de mal à faire leur deuil.
Dans l’histoire éponyme, le personnage d'Astro Boy est créé en 2003. Des événements autour du personnage sont réalisés en 2003 à titre posthume. Nul doute que Tezuka a souri depuis l’au-delà !
Le studio Tezuka Productions réalise en 2023 une œuvre posthume de l’auteur de génie. Le scénario est généré par une intelligence artificielle. Cette machine a analysé environ 150 mangas écrits par Osamu, et elle a conçu le scénario et les esquisses des personnages.Des dessinateurs professionnels ont apporté la dernière touche à la naissance de Paidon. Je pense que le délire va un peu loin et qu’il est déplacé de créer une œuvre au nom d’un auteur décédé.
Paidon. © Tezuka Productions.
Osamu Tezuka, le visage de la japanimation
La première partie de ce dossier est consacrée à Osamu Tezuka, un dieu parmi les hommes. J'espère que cet article vous a plu. Pensez-vous que Tezuka est le personnage le plus important du mangaverse? Dites-le moi en commentaires. À très bientôt pour la seconde partie qui contiendra davantage de techniques d’animation.
Liens utiles
Comprendre l'animation limitée à la japonaise : https://bounthavy.com/kit-de-survie-pour-animation-limitee-a-la-japonaise/
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