Nouvelle taxe au Japon

Nouvelle taxe au Japon : la réforme à la une de tous les journaux !

Crédits de la bannière : Kevin Manguera.

​ 1er octobre 2023.  À l’aube du dernier trimestre de l’année, une nouvelle taxe au Japon vient bouleverser le secteur du divertissement. 

Les travailleurs indépendants sont au bord du désespoir. Afin de bien saisir les implications de cette réforme, il est primordial de connaître la situation avant cette date fatidique.


Il est temps de parler de la nouvelle taxe instaurée par Nami. Fanart de BNJacob.

La situation préalable à la nouvelle taxe au Japon

Cela fait plusieurs années déjà que nous savons que les mangakas sont loin de bénéficier d’une vie de rêve. 

En effet, les magazines de prépublication ayant des contrats avec eux les payent à la page. 

Ce montant varie entre 63 et 126 €. Ce n’est pas très élevé, mais ils doivent en plus payer leurs assistants.

Le salaire moyen des assistants est compris entre 10 000 et 20 000 ¥ par jour (entre 63 et 126 € par jour et généralement moins de 20 000 € par an).


Les auteurs en PLS. © Disney+

Ce prix est fixé par le mangaka en fonction de ses moyens. Avez-vous remarqué que ce chiffre correspond aux revenus hebdomadaires de l’auteur ? Revenus qui parfois ne suffisent pas à payer les assistants.

Les auteurs arrondissent habituellement les fins de mois grâce aux droits qu’ils perçoivent sur les tomes reliés (entre 10 et 15 % du prix). Bien entendu, ils doivent payer des impôts.


Les tomes reliés d'Akane Banashi. ©Ki-oon

Ce paramètre fait toute la différence. Si certains auteurs tels que Eiichiro Oda arrivent à se mettre très bien (One Piece est très bien classé en termes de ventes), la plupart des mangakas gagnent moins de 25 000 € par an.

Ce montant est loin d’être suffisant, d’autant plus qu’il concerne 90 % du milieu.

Auparavant, les travailleurs indépendants dont les revenus étaient inférieurs à 10 millions de ¥ (environ 60 000€) étaient exemptés de paiement de TVA et de déclaration, et ce sans conséquence.

Ils payaient par contre les impôts locaux et ceux sur les revenus.

Maintenant que vous connaissez un peu mieux la situation avant le 1er octobre, il est temps d’entrer dans le vif du sujet.


One Piece, l'un des rares mangas octroyant une aisance financière à son auteur. Fanart de Grafit Studio.

La nouvelle taxe au Japon et ses implications

La nouvelle taxe au Japon est une réforme fiscale baptisée "système invoice" (invoice seido). Elle concerne les artistes non-salariés et les travailleurs indépendants. 

Le ministère des Finances leur impose désormais un système de facturation. 

Ils devront désormais s’acquitter de plusieurs versements, dont une taxe sur la consommation. L’équivalent de la TVA française, soit un total de 10 % du revenu.

Les travailleurs concernés doivent s’enregistrer chez les services d’impôts en tant qu’auto-entrepreneurs.


Une image de Grimgar. © OVERLAP


Ils recevront ensuite un numéro d’attribution qui leur servira à émettre des factures TTC (Toutes Taxes Comprises). 

Chacune d’entre elles représente une de leurs activités artistiques. Enfin, ils pourront s’acquitter de la nouvelle taxe.

La complexité du système contraint les travailleurs indépendants à utiliser des logiciels comptables qu’ils ne maîtrisent pas. 

Ils seront alors obligés d’embaucher des professionnels en piochant dans leurs maigres économies. 

À croire que le gouvernement nippon fait tout pour plomber sa poule aux œufs d’or…

Cette situation concerne aussi bien les mangakas que leurs assistants.

En effet, les éditeurs sont contraints de facturer les mangakas afin de déduire leur TVA de celle à verser à l’État. Autrement, ils verraient leurs frais augmenter.

De plus, la précarité des mangakas les empêche de payer la part de leurs assistants. Ces derniers devront donc contribuer de leur poche.


Les auteurs en PLS. © Disney+

Comment la population réagit-elle ?

Aucune mesure concrète n’a été énoncée en faveur des travailleurs indépendants à l’heure actuelle.

Les Japonais sont indignés et manifestent dans la rue. La grève n’est pas une option, car elle est contraire aux mœurs locales. 

Ils se contentent donc de manifester dans la rue ou plutôt, dans les portions de rue que la police veut bien leur octroyer.

Une pétition a été lancée contre ce système. Son objectif de 300 000 signatures avant le 4 septembre a été pulvérisé. En effet, elle en compte plus de 540 000.

Face à ce mouvement, le gouvernement promet une aide aux personnes défavorisées et une baisse des impôts. 

Aide qui sera financée par les impôts prélevés sur les artistes indépendants. 

Nous avons donc là une parfaite illustration de l’ouroboros, le serpent qui se mord la queue…


Une image de la pétition. ©STOP!インボイス

Quel avenir pour le divertissement nippon ?

Cette nouvelle taxe au Japon risque fortement d'influencer l’industrie du divertissement. 

En effet, 30 % des productions cinématographiques locales sont des adaptations de manga. Les personnes travaillant dans le cinéma sont donc particulièrement inquiètes. 

Il en est de même pour les animateurs, seiyuus, conteurs de rakugo etc.

Toutefois, il ne fait aucun doute que le secteur qui sera le plus touché est celui du manga.

La précarité excessive future a déjà poussé un auteur sur cinq à raccrocher son pinceau et à se reconvertir. 

En effet, plusieurs d’entre eux serraient déjà les dents et continuaient de dessiner par passion. Hélas, la passion ne paie pas les factures.


Une image de SNK pour décompresser. Fanart de Rochaku.

Les mangakas souhaitant poursuivre leur carrière pensent à réduire le nombre de leurs assistants. Cette décision aura des répercussions sur leur santé. 

Cette situation occasionnera la diminution du nombre d’assistants, car le métier est beaucoup moins attractif. Or, les assistants d’aujourd’hui sont les auteurs de demain. 

Le grand Yasuhisa Hara, l’auteur de Kingdom, a été l’assistant de Takehiko Inoue. Oda a été celui de Nobuhiro Watsuki, Tatsuya Endo a épaulé Hajime Isayama etc.


Vagabond de Takehiko Inoue, vu par Kyriakos Mariolis.

Vous vous dites peut-être qu’il leur suffit de trouver un emploi à temps partiel pour continuer à assister nos auteurs préférés. 

Ce n’est malheureusement pas possible, car ils travaillent déjà entre douze et seize heures par jour. Le temps leur fait donc défaut.

Je pense que cette nouvelle taxe au Japon occasionnera une baisse drastique du nombre de mangas, d’animes et de films d’animation sur le long terme. 

Les rares mangakas qui continueront à exercer n’oseront plus prendre des risques et préféreront utiliser une formule gagnante afin de s’assurer de rentrer dans leurs frais. 

Résultat : il y aura beaucoup plus d’isekais et beaucoup moins d’histoires originales.


Imaginer un futur uniquement composé d'isekais m'effraie. Fanart de Brendan 'Sully' Sullivan.




La nouvelle taxe au Japon : un mal non nécessaire

La nouvelle taxe au Japon représente un véritable coup de massue sur la nuque des travailleurs indépendants. 

Je pense qu’elle précipite la chute de la pop culture nippone. C’est vraiment dommage, car ce domaine est au pic de sa popularité. 

À mon avis, il devrait être encouragé et assisté. 

Le gouvernement devrait offrir de meilleures conditions de vie et de travail aux mangakas afin de donner envie aux jeunes Japonais de se lancer dans le milieu.

Liens utiles

Article de franceinfo : https://www.francetvinfo.fr/monde/japon/au-japon-les-mangas-menaces-par-une-reforme-fiscale_6094776.html

Article de livreshebdo : https://www.livreshebdo.fr/article/au-japon-un-nouvel-impot-inquiete-les-mangakas

Vidéo YouTube de Mitsu : https://www.youtube.com/watch?v=bFe1s_vrhos

Vidéo YouTube de Karyn Nishimura : https://www.youtube.com/watch?v=P2Km3TdMFhM


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Les principaux formats de publication des œuvres nippones