Monster

Monster : le classique inclassifiable !

Crédits de la bannière : Thilosha Nipunajith

La fin du vingtième siècle a vu l’émergence de mangas d’une qualité inégalée. 

Quelques années après cette période, un anime exceptionnel est diffusé sur grand écran. 

Son nom : Monster.

Vous n'en avez jamais entendu parler ? 

Installez-vous confortablement, car je vous transporte dans un voyage hors du commun. 


Johann et Tenma vus par Bianca Pretel.

Présentation de Monster

Monster est un seinen manga écrit par Naoki Urasawa. 

L’œuvre a été prépubliée au Japon dans le Big Comic Original, de décembre 1994 à décembre 2001. 

Elle bénéficie d’une adaptation animée diffusée entre le 07 avril 2004 et le 28 septembre 2005. 

Ses 74 épisodes ont pour genres drame, horreur/épouvante, psychologique, thriller et mystère. 

Les termes abordés sont détective, crime et police.

Allemagne, Düsseldorf, 1986. 

Kenzo Tenma est un neurochirurgien japonais dont la jeunesse n'a d'égal que le talent. 

Il fait l’objet de la jalousie de ses collègues et est la coqueluche de l’hôpital Eisler.

Le directeur l’aide à réaliser sa thèse, et il est fiancé à sa fille Eva. 


Eva Heinemann. ©Netflix

Un jour comme les autres, il s'apprête à opérer un Turc. 

Kenzo est toutefois rappelé à la dernière minute pour s’occuper d’un haut placé.

Le cas du Turc est confié à un autre médecin, mais l'opération tourne mal. Le patient succombe. 

Sa femme fait des reproches à Kenzo qui commence à remettre en cause ses convictions. 

Une situation similaire se produit peu de temps après, et le Dr. Tenma choisit de soigner un jeune garçon plutôt que le maire. 

Cette décision changera sa vie à tout jamais.

Il est rétrogradé et ses fiançailles sont annulées. Le directeur et deux autres médecins sont assassinés peu de temps après. 

Neuf ans plus tard, Tenma rencontre à nouveau l'enfant qu’il a sauvé, Johann. 

Il découvre qu’il s’agit d’un tueur en série. 

Kenzo dédiera alors son existence à son arrestation et à sa mise à mort afin d'expier ses fautes.


Sauvez-moi, Dr. Tenma. ©Netflix

Les incroyables points forts de Monster

Monster est une œuvre présentant de nombreux atouts. 

J’essaierai de tous les énumérer, mais la mémoire risque de me faire défaut.

Une intrigue exceptionnelle

L’histoire de Monster est très captivante et intéressante. 

Le suspense est présent tout au long de la quête de Tenma, et les rebondissements sont multiples. 

Un énorme plot twist est révélé dans les derniers épisodes, changeant complètement notre perception. 

De plus, les informations sur Johann et ses origines sont dévoilées au compte-gouttes. 

Cette méthode est souvent mal utilisée, mais Urasawa-sama la maîtrise à la perfection. 

Elle pousse le spectateur à poursuivre son visionnage.

Johann et Tenma

Il existe deux personnages principaux dans Monster : le Docteur Tenma et Johann Liebert. 

Ils sont au cœur de l’intrigue, voici leur présentation.


Le monstre. Fanart de Miguel MS

Commençons par le Dr. Tenma. 

Je ne pourrais trouver de mots plus justes pour le définir que ceux employés par son ex-fiancée, Eva Heineman.

"Cet homme, c’était le fiancé idéal. Un médecin surdoué promis à une carrière exceptionnelle. Il cédait à tous mes caprices. Je lui demandais ce que je voulais et c’était toujours oui, oui, oui". 

Tenma est une personne extrêmement gentille, constamment prête à sauver la vie, même gratuitement. 

Il n’hésitera jamais à aider ceux qu’il rencontrera au cours de son périple.

Sa grande bonté le pousse à sauver Johann au mépris de sa carrière. 

Il regrette plus tard cette décision en se rendant compte de la nature du jeune homme. 

L'ange en blouse connaît une descente aux enfers.

Regarder évoluer Tenma emmène le spectateur à se poser une multitude de questions. 

Toutes les vies doivent-elles être sauvées ? En admettant qu’un criminel doive être assassiné, est-ce à un médecin de s’en charger ?


Herr Dr. Tenma. © 2008 Naoki URASAWA/Studio Nuts/Shôgakukan

Parlons maintenant de Johann. 

Ce jeune homme est beau comme le diable, et jamais comparaison n’a été aussi bien trouvée. 

Cruel, manipulateur, Johann est capable de faire preuve d’une extrême empathie. 

Il arrive à plonger les gens dans la folie en déterrant les fantômes de leur passé. 

Il s’agit d’un antagoniste superbement bien écrit et très difficile à vaincre. En effet, il possède de nombreux fans prêts à tuer afin de le protéger.

Au cours de l’histoire, plusieurs individus mal intentionnés essaieront de se renseigner sur Johann ou de le contrôler afin d’en faire leur leader.

Il montrera plus d’une fois sa suprématie. 

Johann Liebert n’est pas humain, c’est un démon. C’est le "Monster".


Johann dans toute sa noirceur. ©Netflix.

Une incroyable relation entre les deux jumeaux

Johann a une sœur jumelle, Anna. 

Elle n’a pas une très grande incidence sur l’intrigue, mais j’ai trouvé le parallèle entre les deux très intéressant.

"Je suis toi, et tu es moi".

Anna est la seule personne pour laquelle Johann éprouve de l’amour. 

Je ne spoilerai pas, mais Johann possède une façon de s’identifier à sa sœur assez terrifiante. 

Je suis peut-être particulièrement sensible à cet aspect car je suis moi-même un jumeau.

Bien entendu, je suis beaucoup moins beau que le Monster.


Anna sublimée par Dani.

Des personnages secondaires qualitatifs

Je le dis souvent, mais ce qui fait selon moi la différence entre les bonnes œuvres et les très bonnes œuvres, c’est l’exploitation des personnages secondaires.

Prenons par exemple le cas du très controversé Boruto. 

Le spectateur oublie jusqu’au visage de certains personnages secondaires et tertiaires tant ils sont insignifiants.

Monster a réussi à attribuer de l’importance à tous ses personnages. 

Le Docteur Gillen, Wolfgang Grimmer et le Docteur Leichwann et occupent une place importante dans l’intrigue et la font avancer. 

Quant à l’inspecteur Runge, il remplit son rôle d’antagoniste à la perfection. 

Je suis fan de son flegme et de sa technique de mémorisation. 

Ce personnage est très bien écrit.


L'inspecteur Runge du B.K.A. ©Netflix

Les personnages tertiaires sont également à l’honneur, même ceux n’apparaissant que dans un seul épisode. 

Le spectateur observe Tenma poursuivre Johann, mais il garde dans un coin de sa tête ces acteurs qui l’ont marqué. 

Il s’agit notamment de la jeune fille et du vieux soldat, de la Vietnamienne soignant clandestinement des malades ou encore de cet homme buvant son café avec cinq cuillères de sucre.

Cet aspect mémorable est dû au génie de Urasawa-sama. 

Lorsqu’il introduit un nouveau personnage, il lui attribue une histoire, des rêves, des ambitions. 

Il le fait si bien que les personnages sont réalistes. Vous vous attacherez à eux en moins de deux minutes. 

Je n'ai jamais vu cet aspect dans une autre œuvre.

Vous n’aurez ainsi aucun mal à trouver des similitudes entre votre voisin et cet alcoolique présenté dans l’anime.

Certains spectateurs s’identifieront à ce père de famille faisant tout pour revoir sa fille. 

Ainsi, il lutte de toutes ses forces afin de ne pas renouer avec la boisson.


Ceux qui sont familiers de l'œuvre savent à quel point cette scène est poignante. ©Shôgakukan

Des génériques exceptionnels

L’opening de Monster fait partie des meilleurs jamais réalisés. 

Quant à l’ending, il s’agit d’un immense foreshadowing que le spectateur comprend au fur et à mesure du récit.

De véritables prouesses auditives !

Une incroyable qualité visuelle

De nombreux plans de l’anime semblent cinématographiques.

L’ambiance visuelle et les couleurs utilisées rappellent parfaitement l’Allemagne de la fin du vingtième siècle. Il s’agit d’un régal pour les yeux.

Une grande polyvalence

Monster ne raconte pas juste une quête de rédemption, mais prend les codes de plusieurs genres et les perfectionne.

Ses moments slice of life sont meilleurs que les animes du genre diffusés de nos jours. 

Le côté horrifique de l’œuvre affecte davantage que la plupart des mangas d’horreur récents, son côté thriller est au-dessus, etc. 

Prenez tout ce que vous connaissez de mieux et multipliez-le par dix, vous obtiendrez Monster.


Un antagoniste hors du commun. Fanart de Alexandra Fomina.

Une excellente VF

La grande majorité de la communauté anime voit d’un mauvais œil les versions françaises de leurs œuvres préférées.

Les VF sont de plus en plus qualitatives, mais celle de Monster était en avance sur son temps. 

Le doublage est excellent, et le registre familier un peu vulgaire employé colle parfaitement avec l’anime. 

Je vous recommande donc de la tester, j’ai suivi une partie des épisodes en Version Française.

Des OST mythiques

L’ambiance pesante et dramatique de l’anime est en partie dûe à des OST mémorables. 

Ces productions musicales sont d’une rare qualité. 


Je suis tout particulièrement fan de l’OST succédant à l’ending et annonçant l’épisode suivant. 

Monster propose juste après un OST passant au même moment que la scène la plus emblématique de l’épisode écoulé.

Cet enchaînement me fait vibrer à chaque fois. 

Une pensée pour les personnes fermant la fenêtre d’un épisode dès les premières notes de son générique de fin.

Des contes très bien exploités

Je resterai assez évasif afin de ne pas spoil, mais de nombreux contes pour enfants occupent un rôle central dans la seconde moitié de l’œuvre. 

J’ai une préférence pour Le dieu de la Paix. Ils sont tous excellents, et l’idée de les introduire était géniale.


Un réalisme effarant

À de nombreuses reprises, j’ai eu l’impression de suivre un film. 

Certains plans sont réalisés avec une perfection dépassant l’entendement. 

Le zoom sur les yeux et les lèvres des personnages sombrant dans la folie est très réaliste, ajoutant une dimension supplémentaire à l’horreur de l’œuvre.

Urasawa-sama fait étalage de sa grande culture générale à travers son œuvre. 

Il y dissémine de nombreuses références à plusieurs éléments réels.

Il s’agit notamment de l’ambiance post-chute du mur de Berlin, des expériences d’eugénisme et du contexte politique tendu de l’époque. 

Monster parle également des ex-agents de la police politique tchécoslovaque et des néonazis.

Cette retranscription extrêmement fidèle renforce le volet réaliste du récit. 

À tel point que le spectateur se dit : "Cette histoire aurait pu être réelle, Johann aurait pu exister".


Le grand Naoki Urasawa.

Les insignifiantes faiblesses de l’œuvre

Urasawa n’a pas pu produire une œuvre parfaite en dépit de son immense talent. 

Dans un souci d’objectivité, j’ai dû faire preuve d’une extrême mauvaise foi afin de trouver quelques défauts.

Un antagoniste beaucoup trop puissant

Johann Liebert est un personnage extrêmement manipulateur et psychopathe. 

Urasawa-sama en a fait un antagoniste beaucoup trop puissant. Je m’explique.

Dans l’anime de Monster, la plus petite enquête à l’intérieur du plus petit village est liée de près ou de loin à Johann. 

Je trouve cet aspect un peu excessif. 

Ne dit-on pas que tous les chemins mènent à Rome ? J’ajouterai que tous les chemins mènent à Johann.

Il existe toutefois un avantage notable à ce défaut : l'absence d'épisodes de remplissage.

Tous les épisodes de Monster servent l’intrigue et sont extrêmement bien réalisés. 

Au début, je trouvais qu’il y en avait beaucoup, mais j’ai fini par en saisir la grandeur.


Je vous remets une image de Johann, je sais que vous l'adorez. © Netflix

Certains personnages détestables

Il existe quelques personnages que je n’aime pas du tout. 

Robert est totalement insupportable, et le jeune Dieter a fini par m’agacer.

Je m’attarderai davantage sur Eva Heinemann.

Eva a été introduite dès le premier épisode de l’anime. 

Après avoir rejeté Tenma, elle n’a strictement rien fait d’utile. 

Elle se contente de mettre des bâtons dans les roues du médecin et de boire comme un trou. 

Elle a eu (attention spoil) un semblant de rédemption à la fin, mais c’était trop tard selon moi.

Certains personnages comme Lotte Franck ou Hans Schuwald sont beaucoup plus impactants qu’Eva, alors qu’ils n’ont même pas le quart de son temps d’écran. 

Cela dénote bien de la force de l’auteur de magnifier ses personnages secondaires.


Lotte Frank. © Netflix.

La fin

Je ne vais pas m’étendre, car je ne spolierai pas, mais l’avant-dernier épisode m’a déçu. 

Quant au dernier épisode, il était en dessous des autres. 

Je suppose toutefois que c’est normal vu qu’il s’agit de la conclusion.

On n'est pas égaux devant la vie, mais devant la mort.


C'est un ordre. Merci à Rezzy pour les travaux. ©Shōgakukan



Monster : levée du rideau

Monster est un anime comme il n’en apparait qu’une fois tous les cinquante ans. 

Il est de très loin le meilleur programme que j'aie suivi en 2023.

Une telle maîtrise de son univers transcende l’humanité et appartient au royaume des dieux. 

À chaque fois que je veux parler de cette œuvre, j’en perds mon latin, mon chinois, mon anglais et toutes les langues. 

Je pourrais facilement écrire cinq mille mots sur ce sujet. 

Je ne le ferai pas car j’ai l’intime conviction qu’aucun mot ne suffirait à décrire cette merveille, il faut la vivre. 

J’ai toutefois essayé de le faire dans cet article. J’espère y être parvenu.

C'était All Dark, je vous souhaite une bonne année 2024. 

À la semaine prochaine, prenez soin de vous!

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